L’existence de la harpe est attestée sur le continent africain depuis des millénaires. Elle est représentée en Égypte dès l’ancien Empire sur de nombreux reliefs ,de même qu’elle figure sur certaines peintures rupestres dans le massif Saharien de l’Ennedi. Les plus anciennes représentations connues de harpes arquées sont mésopotamiennes, des fragments de vases ont été retrouvés a Bismaya, datant du début du III éme millénaire. Antérieur à la lyre, la harpe est représentée sur des fragments ,des empreintes de sceau datées du IV éme siècle avant Jésus-Christ. Les harpes de Sumer (3600 ans avant Jésus-christ) du cimetière royal d’UR sont les plus anciennes. Contrairement aux harpes antiques des hautes civilisations d’Asie Mineure et d’Égypte, la harpe d’Afrique Centrale a survécu aux aléas de l’histoire et traversé les siècles jusqu’a nos jours. La harpe accompagne les chants ou les récits du poète, du compteur, du guérisseur ou du voyant mais elle porte avant tout sa propre parole , le rôle et le statut privilégié du harpiste au sein des cours régales, comme sa fonction dans de nombreux rituels, elle en fait un personnage très écouté. En Afrique, l'oralité demeure le seul garant de la tradition et rappelle la mémoire des ancêtres. La parole transmet l’héritage du savoir, structure l’organisation sociale et celle de la harpe jouit d’une grande considération. La harpe a permit à l’homme de moduler et d’altérer les échelles d’intervalles, et a été le premier instrument qui lui a donné la possibilité d’expérimenter dans une autonomie totale par rapport à la voix chantée, l’univers de la mélodie. La harpe est un instrument d’autant plus libéral que ses cordes sont d’inégales longueurs, qu’elles peuvent être d’égale tension et êtres convergentes à la table d’harmonie, elle permet l’accord conscient et aisé de l’octave et simultanément, l’accord de quarte et de quinte et d’expérimenter la relation entre longueur et tension de la corde. On se souvient encore de l’attitude des lacédémoniens à l’égard de Terpandre de Timothée ou de Phrynis qu’ils accusaient de corrompre la musique de leurs pères en ajoutant des cordes à leurs instruments. Dans bien des sociétés sourcilleuses et portées à légiférer, le nombre des cordes resta fixé à 5 . Pourquoi 5? Antiquité du comput quinaire... Conséquence matérielle d’un système d’intervalle pentatonique ou de fait que l’homme a 5 doigts? On peut penser que cette contrainte purement politique fut à la source de la recherche de la variété dans ces échelles elles-mêmes. Au XXéme siècle encore, les meilleurs luthiers d’Afrique Noire s’en tenaient aux cinq ou huit cordes avant que l’apparition des transistors dans les années cinquante ne sonne la fin d’un art millénaire .
Il faudra attendre la seconde moitié du siècle dernier pour trouver mention des harpes dans les récits de voyage et les voir apparaître dans des collections européennes, l’aire de répartition des civilisations de harpe étant limitée à l’intérieur des terres de l’Afrique Centrale. Si le tambour est l’instrument de communication par excellence et si le grand tambour transmet la voix du pouvoir, la harpe quelle que soit sa fonction finale est avant tout un instrument d’introspection et d’extase. Le tambour doit s’entendre de loin alors que la harpe et un instrument intimiste que l’on n'entend que de près. Même lorsqu’il exerce un rôle public important, comme au Gabon dans le cadre des rituels BWITI des ancêtres, le harpiste est voué à la solitude. « Le harpiste est solitaire telle qu’une liane qui ne croît qu’isolée » Certaines indications semblent confirmer que la harpe est le plus souvent fabriquée par le harpiste
Les conditions de conservation dans nos musées des collections empêche d’accorder les instruments, de plus ils ne sont pas accordables, les fibres végétales utilisées comme corde des harpes sont desséchées et très fragilisées, toute tentative de tension les casserait. Les spécimens ne donnent pas les mêmes sons, non seulement à cause de leur état de conservation mais parce qu’ils sont tous différents. A l’intérieur d’une même ethnie, on ne trouve pas 2 instruments identiques qu’il s’agisse de la longueur de la corde grave et des autres, ou de la différence de longueurs des cordes consécutives. Les écarts sont très sensibles d’une harpe à l’autre, au point qu’il parait difficile d’aboutir aux mêmes hauteurs de sons uniquement par la tension des cordes. En outre les instruments ne semblent pas être fabriqués pour produire les mêmes échelles. Lorsque 2 ou 3 harpistes jouent ensemble, on peut se demander comment les instruments sont accordés. C'est le harpiste chanteur qui les accorde tous. Dans certains groupes, les Alur à l’Ouest des grands lacs, les Kotoko au Tchad, les Dii au Cameroun, les instruments sont de dimension très différentes et ils peuvent ensemble couvrir plusieurs octaves. En revanche chez les Zande-Nzakara comme chez les Banda et les Mangbetir on suppose des harpes qui étaient de dimensions comparables qu’elles étaient accordées de façon proche mais pas identique, avec ce léger décalage qui serait un trait caractéristique de toutes les expressions de ces cultures.
Relation entre la harpe et le corps humain: Symboliquement la harpe est souvent identifiée à un être humain, le musicien lui-même dont l’instrument est un double ou le double de sa voix . Mère de toute chose chez les Fang, chez les Dii, tout les éléments de la harpe sont identifiables aux parties du corps humain. La table est le ventre ou la poitrine, le manche est la tête , les chevilles sont les enfants de la tête. Bibliographie: Les Harpes d'Afrique( Musée de la musique).
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