![]() |
Turlough
O’CAROLAN (1670-1738) [
Toirdhealbhach O’ Cearbhallain
] Le plus important des
compositeurs irlandais ? |
Turlough O’Carolan est de loin le plus connu des compositeurs « harpeur ». Il fut un musicien fameux et respecté durant toute sa vie et ne laissa pas moins de 200 compositions dont la plupart avec les textes les accompagnant. Tous les harpeurs présents au Festival de Belfast ont joué ses airs, y compris le très conservateur Denis Hempson et il est évident que sa musique fut très populaire parmi les mélomanes de son temps .Carolan a vécu durant une période des plus noires de l’histoire irlandaise. Sa vie s’est presque déroulée entièrement à l’époque ou les « Lois Pénales » étaient appliquées avec le plus de rigueur. Il naquit moins de trente ans après la destruction définitive de l’ancien Ordre Gaélique par Cromwell. En 1691, alors qu’âgé de vingt et un ans, la défaite à la bataille d’Aughrim mit un terme à tous les espoirs irlandais d’indépendance ou de liberté religieuse. Le « Code Pénal » commença a être appliqué en 1695, le fut durant toute la vie de Carolan et continua jusque bien après sa mort en 1738. Ces lois furent créées afin de forcer les catholiques irlandais soit à abandonner leur religion ou bien à être privé de leurs possessions et donc de toutes leIl est extraordinaire de constater que dans ce contexte de pression contre le peuple dont il faisait partie, il fut capable de mener une vie couronnée de succès et de produire de nombreuses musiques nouvelles qu’il rendit populaires parmi toutes les couches de la population de culture gaélique ou non. urs chances d’éducation.Il eut la chance de démarrer quand même avec quelques avantages. Son père était un petit fermier à Nobber, dans le comté de Meath ou Carolan naquit. Lorsqu’il eut atteint quatorze ans, sa famille déménagea vers le comté de Roscommon ou son père trouva un emploi auprès de la famille « McDermott Roe » d’Alderford House à Ballyfarnon. Madame McDermott fut une grande amie de Carolan tout au long de sa vie et ce fut vers sa maison que à la fin de sa vie il se dirigea, voulant terminer ses jours auprès de sa plus chère amie et plus ancienne protectrice .A
dix-huit ans, Carolan fut victime de la variole et devint complètement
aveugle. Le problème fut alors pour lui de trouver une occupation lucrative
et Il se décida pour la musique
et la harpe. Madame McDermott Roe lui avait enseigné à jouer l’instrument
et lorsqu’il se sentit suffisamment
capable, elle lui offrit une harpe, un cheval et un serviteur pour
le guider.De nombreux harpeurs irlandais étaient aveugles car c’est une
des rares profession pour laquelle la vue n’est pas essentielle. Bien
que l’on puisse penser que pour une personne malvoyante, il peut y avoir
de grandes difficultés à se repérer sur une harpe, l’instrument est en
fait joué en grande partie d’instinct et à l’aide de sensations. Dans
le cas de la harpe irlandaise cordées en métal, les cordes sont placées
très près les unes des autres et les doigts ne s’écartent jamais beaucoup
d’elles pour que la précision dans leurs placements de ne soit un problème.
D’autre part un harpeur aveugle était toujours accompagné d’un serviteur
qui lui servait de guide et lui portait sa harpe ; comme d’autre
part la transmission se faisait
oralement, il n’était pas nécessaire de pouvoir ou de savoir lire la musique. Lorsqu’il débuta sa carrière après trois années d’études, Carolan ne pensait pas du tout à composer. Il était simplement un joueur et certes pas parmi les meilleurs car commencer à apprendre à jouer de la harpe à dix-huit ans c’est un peu tard principalement lorsqu’il s’agit de celle à cordes métalliques. Son jeu était en conséquence méprisé par ses collègues et peu apprécié des protecteurs devant lesquels il jouait. La harpe irlandaise, quoique dans sa période de déclin, était encore au 17ème siècle l’instrument principal en Irlande et les harpeurs étaient les héritiers de traditions anciennes et aristocratiques puisant ses origines dans l’ancien Ordre Gaélique. Les harpeurs allaient de maison en maison, composant , jouant et enseignant leur art aux membres de la famille. La première maison que Carolan visita durant ses voyages fut celle de George Reynolds de Lough Sgur, dans le comté de Leitrim. Ce qu’il joua ne dut pas être très bon , car Reynolds lui conseilla de s’essayer à la composition en disant qu’il « ferait meilleur usage de sa langue que de ses doigts ». Alors, comme le dit l’histoire, Carolan composa son premier air « Si Beag is Si Mor », basé sur une légende locale contant la guerre entre deux armées de fées. Le châtelain Reynolds aima beaucoup et encouragea le jeune harpeur à persévérer dans cette voie. A partir de ce moment, Carolan continua à composer tout au long de sa vie. S’il n’avait pas écrit de musique, il est plus que probable qu’aujourd’hui son nom serait totalement inconnu car le nombre des harpeurs itinérants était important et un joueur médiocre avait peu de chance d’atteindre un jour la renommée. La plupart de ses musiques furent écrites pour ses protecteurs ou les membres de leur famille. Sa méthode consistait à composer une pièce pendant ses déplacements pour être ainsi prêt à les interpréter en arrivant à destination. Lorsqu’il composait, Carolan s’occupait d’abord de la musique et ensuite trouvait les mots s’accordant à la mélodie, à l’inverse du procédé habituel ou le texte est d’abord écrit puis la musique est composée pour se marier avec les mots. Le plus important c’est qu’il inversa des traditions vieilles de plusieurs siècles. La musique fut toujours très importante dans la société irlandaise mais elle avait toujours été à la seconde place après la poésie. Les mots étaient plus importants que la musique, phénomène toujours d’actualité aux jours d’aujourd’hui dans le milieu de la musique folklorique. « Abair amhran » (dis une chanson) et non pas « Can Amhran » (chante une chanson) est l’ordre donné au Folk Singer. Tous les mots sont importants, la musique aussi belle soit elle leur ait subordonnée.Carolan fut un poète médiocre car il était avant tout un musicien et c’est grâce à la musique qu’il a survécu et non pas grâce à ses poèmes. Que
tant de ses airs aient survécu jusqu’à aujourd’hui est la preuve à la
fois de sa nature spécifique et de la position inhabituelle qu’il occupa
dans l’Irlande de son temps. Turlough Carolan porta ce processus plus loin que n’importe lequel de ses prédécesseurs, si bien que la plus grande partie de son œuvre se reconnaît instantanément.Il est probable que la musique écrite avant la période « Carolan » n’ait pas disparue mais fut absorbée par la tradition populaire et est sans doute jouée et chantée encore de nos jours. Qui d’autre aurait pu écrire des mélodies comme « An Raibh tu ag an gCarraig » ou bien « An Chuilfhionn ». Seulement des harpeurs avaient les connaissances musicales et la discipline nécessaire à l’écriture de mélodies aussi complexes. Cette musique anonyme heureusement fut sauvegardée dans le répertoire de la musique traditionnelle. La musique de Carolan ne subit pas le même sort parce que son essence est différente. Carolan ne se contenta pas d’être un pont mais il passa aussi de l’autre coté. Il imita le style savant contemporain tellement bien que la plupart de ses mélodies se reconnaissent instantanément parmi les jigs et les aires de musique traditionnelle.Ces trois influences peuvent être découvertes dans l’œuvre de Carolan. La musique populaire est celle dont l’influence est la moindre mais est néanmoins reconnaissable dans des airs comme « Elizabeth McDermott Roe » qui est d’un pur style folk. La tradition héritée de musique de harpe peut être vue dans de nombreux airs comme « Miss Crofton » ou « Sir Arthur Shaen ». Quelques fois ces deux influences se mélangent et nous obtenons les très belles mélodies de « Scaradh na gCompanach » et « Traolach Og ». Mais sa plus grande influence vint de compositeurs contemporains italiens. D’après son ami et protecteur Charles O’Connor, « Vivaldi le charmait et il était captivé par Corelli ». Il admirait aussi beaucoup Geminiani qu’il a certainement rencontré vers la fin de sa vie alors que ce compositeur vivait à Dublin. Bon nombre de ses compositions s’approchent des formes italiennes, avec séquences et imitations. Quelques unes de ses plus longues pièces ont une courte jig en coda, à la manière de Corelli comme par exemple « James Betagh » ou «Lady Dillon ».A cause de ses efforts à copier le style italien, Carolan se perd quelques fois dans une extravagance de phrases à tel point qu’il est difficile de retrouver l’air parmi les imitations et séquences. Il avait, c’est évident, une excellente oreille et une facilité à composer mais il lui manquait la formation musicale qui l’aurait rendu capable de pousser ses dons au maximum.Il est extrêmement dommage que la musique de Carolan nous soit parvenue principalement sous la forme unique de la ligne mélodique si bien que nous connaissons très peu de la façon dont il accompagnait ou harmonisait des mélodies. Beaucoup de ses airs furent publiés dans de nombreuses collections mais à l’exception d’un seul, les arrangement furent faits par des éditeurs anonymes et il n’y a aucun moyen de prouver leur authenticité. Il est prouvé toutefois qu’un recueil d’œuvres de Carolan fut publié en 1748 par Dennis Connor de Christchurch Yard à Dublin. La publication fut arrangée par le Dr Patrick Delany, Doyen de l’Oratoire au Trinity Collège à Dublin puis Doyen de Down. C’était un vieil ami de Carolan et il organisa une souscription pour couvrir les coûts de publication. Le fils de Carolan fut chargé de fournir la musique.Carolan-junior qui semble avoir été un bon à rien (ne’er-do-well), était un harpeur médiocre et apparemment n’avait pas hérité du talent de compositeur de son père. Il doit donc y avoir quelques doutes quant à la qualité de son travail pour cette publication. On dit que les opinions des harpeurs à son endroit n’étaient pas très aimables. Arthur O’Neill dit qu’il a souvent entendu que les « productions de Carolan-junior étaient scandaleuses… Je dois dire que quand j’ai écouté quelques airs glanés par Carolan-junior j’en ai trouvé quelques uns ne-valant-rien (tol-lol) ». Par la suite, Carolan-junior s’enfuit en Angleterre avec une partie de la souscription, une harpe ayant appartenu à son père et la femme d’un autre homme.Quelques furent les défauts de Carolan-junior quant à son travail ou son caractère, ce livre reste un outil de grande valeur pour la recherche de ce que furent les styles de musique de harpe d’autrefois, si nous pouvions en trouver au moins un seul exemplaire. Carolan-junior était un instrumentiste professionnel et un professeur de harpe. Il avait été formé soit par son père ou par un autre harpeur de la même génération. De toute façon il a été familier avec le style de jeu de son père. Turlough O’Carolan avait appris la harpe dans les années 1685-1690 et son professeur, McDermott Roe était probablement né vers les années 1650. Ce qui mène les racines de cette collection de musique à une période ou le déclin de la harpe irlandaise ne s’était pas encore transformé en déroute et ou le vieux style de jeu était encore florissant. Nous savons que la musique de Carolan était différente de celle des autres harpeurs, à cause de son goût pour les formes italiennes, mais il avait été formé selon le tradition orale qui en dépit de nombreux changements, avait probablement maintenu une base passée de génération en génération.A l’heure actuelle, aucune copie complète du manuscrit « Carolan-Delany » n’a été trouvée . Mais il y a, à la Bibliothèque Nationale à Dublin un fragment de manuscrit de musique de Carolan. Ces quelques pages n’ont ni titre, ni commencement, ni fin ; elles commencent à la page 6 et vont jusqu’à la page 19. C ‘est comme si cette partie s’était détachée d’un livre et en était tombé. Ce fragment contient 24 airs dont 4 avec des jigs et tous avec des accompagnements de basses. Ce qui rend ce manuscrit particulièrement intéressant c’est la nature de ces basses.La particularité est la façon dont ces basses suivent et renforcent la musique, aussi bien dans le rythme que dans la mélodie. Si l’air est en 4/4 et évolue en simples croches, l’accompagnement de basses maintient un battement régulier à la noire. Si l’air est en 6/8, la basse souligne le rythme en évoluant en noire pointée ou noire-croche. Ces rythmes ne sont pas invariables mais très communs. Mélodiquement, la basse suit l’air de très près, le plus souvent à l’unisson, quelques fois à la seconde ou à la tierce. Il y a fréquemment des effets de pré-echo lorsque la basse anticipe d’un battement ou deux la note de la mélodie, ce pré-echo pouvant être présent à chaque temps ou par intervalle. Occasionnellement, on trouve des effets d’écho authentiques de même nature mais ce n’est pas si fréquent. Rarement plus de deux notes sonnent en même temps et il y a une absence totale d’harmonie conventionnelle. Ces arrangements ne conviennent pas du tout pour la piano et semblent très nu pour une harpe irlandaise moderne. Mais pour une harpe cordée métal, instrument pour lequel cette musique fut écrite, ces notes qui semblent si nues dans la partition peuvent devenir très riches sous les doigts d’un bon joueur. Grâce à la longue résonance des notes sonnées sur une corde métal, un bon joueur peut atteindre une grande variété d’harmonies différentes en étouffant ou en laissant résonner certaines cordes.Jusqu’à il y a peu, on croyait que ce fragment provenait d’un livre publié à Dublin en 1721 par les frères Neale. De nouvelle recherches font apparaître que le papier utilisé dans ce fragment ne peut pas avoir été fabriqué avant 1743. Toutes les autres publications de cette période le prouvent, aussi il semble à peu près certain que le fragment de la Bibliothèque Nationale provienne d’un manuscrit Carolan-Delany publié en 1748. Si cela s’avère exact, nous avons enfin identifié des airs qui peuvent avoir des liens directs avec la façon dont on jouait de la harpe au 17ème siècle.Comment Carolan accompagnait sa mélodie est seulement une partie de la question. Un autre aspect intéressant est la façon dont ses compositions étaient interprétées. De nos jours cette musique est interprétée comme si elle avait toujours été purement instrumentale, et beaucoup de gens ne savent même pas qu’un grand nombre de ces pièces sont en fait des airs de chansons dont les paroles ont survécues. Environ 70 jeux de paroles ont été retrouvé, ce qui nous laisse environ 130 airs pour lesquels aucun poème nous est parvenu. Quoiqu’il en soit, il est à peu près certain que Carolan a écrit des poèmes pour la plupart de ses musiques, principalement celles écrites en l’honneur de protecteurs et donc son interprétation était une combinaison de musique et poésie.Presque personne n’a jamais chanté les chansons de Carolan et il n’est pas difficile d’en imaginer la raison. Simplement telle qu’elles sont, c’est trop difficile. D’abord bon nombres des poèmes ont une longueur différente des airs portant le même titre. Ceci peut être du au fait que durant la collecte, l’air et le poème ne proviennent pas de la même source. Même lorsque les notes et les mots semblent s’accorder à un certain degré, le résultat ne se marie pas parfaitement et c’est un soucis constant que d’avoir mots et notes en accord. D’autre part de nombreux airs ne sont pas très « chantables ». Certains ont de longues sections dans le registre des basses et d’autres dans des registres très aigus, ce qui les rend difficilement praticables pour le chanteur et ne sonnent pas non plus de façon très harmonieuse à l’auditeur. Dans d’autres cas, le refrain de la chanson est bien plus long que le vers du poème, laissant l’interprète dans le doute quant à la partie qui est à chanter.Il est donc évident que, bien que Carolan ait écrit des poèmes pour ses chansons, l’interprétation ne peut être celle que nous considérons comme « chanter » de nos jours. Au milieu du 17ème siècle, les trois activités artistiques du chant, de la déclamation et du jeu de la harpe, jusque là réservées à trois personnes différentes devinrent l’apanage d’une seule et en conséquence Carolan créa sa propre musique, ses propres poèmes et les interpréta. C’est comme si un peu de l’ancien art de la déclamation avait survécu grâce aux harpeurs et que leurs représentations étaient en fait un mélange de musique, de chant et de récitation. Certainement, vouloir interpréter les compositions de Carolan de cette façon est une exercice fascinant et résoudrait de nombreux problèmes parmi ceux cités plus haut mais probablement pas tous.Nous avons peu de détails au sujet de la vie de Carolan. Il se maria à une certaine « Mary Maguire » du comté de Fermanagh qui lui donna six filles et un garçon dont il a été question précédemment. Ils vivaient dans une petite ferme près de Mohill, dans le comté de Leitrim, ou Carolan était souvent obligé d’être absent. Mary Maguire mourut en 1733 et Carolan composa une magnifique éloge funèbre regrettant sa mort, bien qu’aucune musique accompagnant le poème ne nous soit parvenue. La plupart de ses sept enfants ne furent que de pales figures, quoique certains faits de sa vie furent révélés par une de ses petites filles.Carolan passa la plus grande partie de sa vie voyageant en Irlande et ce dut être une vie bien dure. Imaginons un musicien aveugle, voyageant sur le dos d’un cheval sur des routes boueuses, accompagné d’un serviteur, également sur le dos d’un cheval et portant sa harpe. Quelques uns, parmi les mieux pourvus, voyageaient de cette façon, d’autres n’avaient même pas un compagnon. Voyager par mauvais temps devait être lent et misérable. D’ailleurs Arthur O’Neill décrit une telle expérience : « Enfin je m’esquivais vers… Croghan, dans le comté de Roscommon, à environ sept miles ou moins et eut le plus mauvais temps que j’ai jamais connu et Hannon (mon guide) pleurait tant il souffrait du froid et de l’humidité durant ce court voyage. Peu de temps après je fus atteint de si sévères rhumatismes que j’en perdis l’usage de deux doigts de la main gauche…Il ne faut pas s’étonner si, menant une telle vie, de nombreux harpeurs buvaient beaucoup. Il y a énormément d’histoires ou il est question de leurs goûts immodérés pour le whiskey et Carolan n’y fit pas exception. Il était de tempérament gai et sociable et avait de nombreux amis avec lesquels il buvait et faisait la fête. Charles McCabe, pour qui il écrivit « Scaradh na gCompanach » était fréquemment de ceux-là. Il rencontra aussi un ennemi occasionnel comme on peut le voir dans son affrontement avec David Murphy, harpeur de Lord Mayo. Murphy était un homme vaniteux et son comportement avec ses collègues était tel qu’ils le détestaient de bon cœur .Arthur
O’Neill raconte dans ses mémoires comment un jour Murphy entra dans une
auberge ou était présent Carolan et dis que les airs que ce dernier composait
étaient comme des os sans viande. « Dieu me damne, répliqua celui-ci,
mais je vais composé un air avant de vous quitter et vous pourrez toujours
mettre toute la viande que vous voudrez autour de cet os . Ayant dit ceci,
il saisit Murphy par les cheveux, le tira et l’éjecta du pied sans pitié
à travers la pièce. Et les cris rauques que ce dernier poussa furent ouïs
jusqu’à fort loin. Et, alors qu’il rugissait, Carolan lui lança :
« Vous pourrez toujours mettre cette viande dans les airs, jeune
chiot ! ». Et il est probable que, si on n’en croit ce récit,
il n’aurait laissé une goutte de sang à Murphy si on ne l ‘avait
empêché ».
De cela émerge la figure d’un homme que l’on peut qualifier « de
caractère ». Il était gai et sociable mais prompt à s’emporter.
Il adorait les histoires ridicules, les tours de magie et jouer au backgammon,
jeu pour lequel il était d’une rare habileté. Il était fier de lui à la
fois comme homme et comme musicien et se considérait l’égal de ses protecteurs
pour lesquels il jouait et composait. Il était catholique de langue irlandaise
qui jamais ne renia son propre peuple mais qui jouait impartialement pour
les familles gaéliques ou étrangères.Il reste peu à dire si ce n ‘est
de parler de sa mort et de ses funérailles. Quand il sentit sa fin s’approcher,
il fit route vers Ballyfarnon, vers sa vieille amie Madame McDermott Roe.
Alors qu’elle venait l’accueillir à la porte de la maison il lui dit :
« Je suis revenu ici après tous ces vagabondages pour mourir enfin
à la maison ou me fut donné ma première leçon et mon premier cheval *».
|